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Construction sous pression

  • faustinepeycere9
  • 24 sept. 2023
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 sept. 2023

Je vous présente mes excuses pour l’absence imprévue de la semaine dernière. Mon ordinateur, le précieux compagnon d’une décennie, m’a malheureusement quittée vendredi. Après l’avoir remplacé, j’ai été prise dans un tourbillon de travail et j’ai reporté cet article à aujourd’hui. Merci pour votre compréhension, et pour votre lecture !

Cette veste pourvue de ventilateurs intégrés sur les côtés est un classique des chantiers l'été.

Le secteur du bâtiment subit, comme tout le Japon, un manque de main-d’œuvre criant. Les conditions de travail ne s’améliorent pas pour autant pour les employés. De plus, à partir d’avril 2024 une réforme sur les heures de travail entrera en vigueur et limitera la disponibilité des ouvriers. Si cette mesure est la bienvenue pour améliorer leur vie, elle risque de plonger le bâtiment dans une crise plus profonde. Cette semaine, j’utilise le numéro de septembre du magazine Wedge comme référence pour exposer les problèmes qui accablent ce secteur de toutes parts.


Pour donner un peu de contexte sur la situation de la construction sur l'Archipel, un bâtiment est considéré comme trop vieux vingt à trente ans après son érection. Cette usure rapide due aux séismes a pour conséquence d’obliger les hôtels à être détruits et reconstruits ou les bureaux à déménager. Les biens perdent de la valeur rapidement, ce qui est l’une des causes de l’émergence du phénomène des akiya, ces maisons vides d’habitants, faute d’héritier proche et disponible pour s’en occuper.


Construire, reconstruire et détruire est une activité qui nécessite une main-d’œuvre nombreuse et disponible. D’après les chiffres du gouvernement, les travailleurs du bâtiment sont actifs douze jours de plus par an que la moyenne des employés de tous les autres secteurs. De plus, seuls 9 % de ces ouvriers ont deux jours de repos par semaine ou plus, tandis que deux tiers d’entre eux ont plutôt entre 4 et 5 jours de repos par mois au total.


Cette situation est le reflet de la baisse démographique qui affecte le pays. Dans un secteur aussi dangereux et physique, plus de 35 % des employés ont 55 ans ou plus, et moins de 12 % ont moins de 29 ans. Mais les jeunes japonais sont aussi devenus plus exigeants. Ils souhaitent avoir plus de temps pour eux et pour leur famille, et dédaignent la construction ou l’usine. Un vétéran raconte qu’il a commencé à travailler en parallèle de ses études, en petit boulot, payé 12 000 yens (76 euros) par jour. Aujourd’hui, trente ans plus tard, il est rémunéré 18 000 yens (114) par jour. Cette faible augmentation a de quoi désespérer…


L’artisan chevronné s’inquiète des nouvelles mesures prises par le gouvernement, elles lui semblent hors-sol : « comment peut-on passer à deux jours de repos par semaine quand la norme est d’en prendre un seul ? » Un jeune ouvrier, après quelques années de métier, ne pense de toute façon plus qu’à travailler même lors de ses congés. En effet, une journée loin du chantier est un manque à gagner. Des semaines de travail de cinq jours risquent d’appauvrir encore la main-d'œuvre, tout en ralentissant les travaux. La mesure doit permettre d’embaucher les nouvelles recrues qui auraient pu hésiter à cause de la cadence.


La stratégie gouvernementale tombe à côté de ce problème qui dépasse largement les chantiers. Beaucoup d’entre eux sont gérés par des zenekon (general constructor), des sociétés géantes aux dizaines de milliers d’employés, qui gèrent les projets de construction de l’immobilier et de la conception jusqu’à la fin des travaux. Celles-ci réalisent des milliards de yens de profit chaque année, et ont pour cela intérêt à réaliser les projets les moins chers possibles. Les ouvriers sont en bout de chaîne, après plusieurs sous-traitants intermédiaires, et sont donc rémunérés très faiblement. Les petites entreprises de travaux acceptent ces contrats car il s’agit souvent de chantiers monumentaux, et donc de l’assurance de pouvoir payer leurs employés sur plusieurs mois, voire années.


"Attention à la tête", en japonais, chinois, vietnamien et philippin

Pour pallier le manque d’ouvriers sur ces projets géants, sur ces projets « scrap and build » (détruire et reconstruire), la solution évidente est d’employer des travailleurs étrangers. Deux hommes philippins racontent leurs conditions de travail pour le journaliste de Wedge venu les interroger fin juillet, par 40°C. Spécialisés dans le métal, ils transportent des pièces de quarante kilos toute la journée, dans l’humidité et la chaleur. Sur leur chantier, un ouvrier sur cinq est étranger. Et pour une rémunération de 12 000 yens par jour, quitte à être précaire ne vaut-il pas mieux travailler en supérette, debout toute la journée mais avec la climatisation ?

Même les patrons des petites entreprises du secteur ne souhaiteraient pas les léguer à leurs enfants…


Peu importe le quartier que vous visiterez à Tôkyô, vous y verrez toujours une grue ou des échafaudages. Étant données les conditions de travail du monde de la construction, on peut se demander s’il est bien nécessaire de détruire et reconstruire les bâtiments à une telle fréquence. De plus, le vieillissement de la population et la découverte du télétravail pendant la pandémie a éloigné les Japonais des grandes tours de bureaux. A-t-on besoin d’en construire autant ? Quel est le sens de ces travaux ?



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